Pour ma première participation au projet Sylphe, je commence par le sujet sur la Peur. Ca me semblait être un bon début pour cette période de l'année...
Je suis une froussarde.
Je ne manque pas de courage quand il faut courir, je ne manque pas de bravoure pour me dénoncer, je ne manque pas de culot pour ouvrir ma gueule, ni de force pour frapper en retour.
Mais j'ai peur d'avoir peur.
Petite, j'avais peur des histoires qu'on se racontait pendant les soirées pyjama. Je m'étais abonnée à un magazine de légendes urbaines pour crâner, mais ces histoires m'ont terrifiées toutes les nuits pendant des années. J'aimerais avoir le cran de regarder les films d'horreurs qui me font envie, mais je sais que j'en perdrais le sommeil, encore aujourd'hui.
Mais les choses qui m'effrayaient le plus étaient bien réelles.
Le vase inexistant qui tombait dans le grenier, chaque nuit à 2 heures du matin. Suivit de bruits de pas lourds qui disparaissaient comme ils étaient venus. Le sentiment d'être observée, mais de ne pas me retourner assez vite pour en avoir le cœur net. La présence qui possédait toute sa force la nuit et qui me poursuivait dans les escaliers que je gravissais en courant. Même mes parents marchaient vite dans celui-là.
Des petites choses comme ça, j'en ai eu plein, et j'en ai de moins en moins peur. Je les comprends mieux. Mais je ne pourrais jamais ne pas courir dans cet escalier. Comme quoi, les plus vieilles peurs sont les plus tenaces !
Et pourtant.
Je n'ai jamais reculé devant la peur en forêt.
Je suis une froussarde.
Je ne manque pas de courage quand il faut courir, je ne manque pas de bravoure pour me dénoncer, je ne manque pas de culot pour ouvrir ma gueule, ni de force pour frapper en retour.
Mais j'ai peur d'avoir peur.
Petite, j'avais peur des histoires qu'on se racontait pendant les soirées pyjama. Je m'étais abonnée à un magazine de légendes urbaines pour crâner, mais ces histoires m'ont terrifiées toutes les nuits pendant des années. J'aimerais avoir le cran de regarder les films d'horreurs qui me font envie, mais je sais que j'en perdrais le sommeil, encore aujourd'hui.
Mais les choses qui m'effrayaient le plus étaient bien réelles.
Le vase inexistant qui tombait dans le grenier, chaque nuit à 2 heures du matin. Suivit de bruits de pas lourds qui disparaissaient comme ils étaient venus. Le sentiment d'être observée, mais de ne pas me retourner assez vite pour en avoir le cœur net. La présence qui possédait toute sa force la nuit et qui me poursuivait dans les escaliers que je gravissais en courant. Même mes parents marchaient vite dans celui-là.
Des petites choses comme ça, j'en ai eu plein, et j'en ai de moins en moins peur. Je les comprends mieux. Mais je ne pourrais jamais ne pas courir dans cet escalier. Comme quoi, les plus vieilles peurs sont les plus tenaces !
Et pourtant.
Je n'ai jamais reculé devant la peur en forêt.
Il y a un petit bois près de la maison de mon père. Je l'ai toujours appelé "forêt". J'aimais me promener là-bas. D'abord parce qu'il y avait un rond de sorcière, trois rochers blancs dressés entre un arc de cercle d'arbres, et un sol recouvert de mousses et de petites fleurs blanches savoisiennes. Mais je ne restais pas longtemps à cet endroit, ce n'était pas ma place, alors je passais juste saluer le lieu.
J'allais ensuite à la mare, et si on était au printemps, je recueillais des têtards pour les élever dans mon jardin (malheureusement, je n'étais pas très douée et je n'avais qu'une grenouille par an qui arrivait à l'âge adulte..). Je saluais les vaches qui me regardaient comme si elles voulaient me bouffer (j'ai jamais eu de bonne relations avec ces bêtes-la), je continuais le sentier jusqu'à une sorte de touuuute petite marre tellement pleine de mousse qu'on voyait pas le fond, je continuais jusqu'au ruisseau, et la plupart du temps, je faisait demi-tour.
J'avais peur de la suite du chemin. Mais parfois, je me sentais attirée, et j'y allais. C'était une grande montée de terre qui donnait sur un plus grand bois, une ancienne forêt presque décimée, mais les derniers arbres étaient hauts et vieux. Il y avait de la vie, et une ambiance bien plus austère. J'étais tolérée. Et parfois je suis rejetée, comme le jour où je me suis perdue dans un chemin parsemé de lumière. C'était joli, un long chemin plein de broussailles, mais avec des puits de |
soleil ci et là. Alors je voulais y aller, mais quelque chose me disait que ce n'était pas une bonne idée. Ma chienne n'était pas en laisse et avait rebroussé chemin plusieurs minutes avant, et plus j'avançais, plus un pré-sentiment insidieux grandissait en moi. Pas à pas, ce chemin toujours aussi joli ne sentait pas très bon, une odeur que je ne connaissait pas. Et un bourdonnement grandissait. Ce que je croyais être une ruche était une foule de mouches qui tournoyaient autour de quelque chose qui renvoyait une odeur rance dans mes narines.
J'ai hurlé et je me suis enfuie. Je ne sais pas ce que c'était, mais vu le nombre de mouches, ce devait être une grosse charogne, au moins un sanglier, je n'ai jamais su.
J'avais huit ou neuf ans mais je me souviens encore de cette peur qui me poussait à avancer vers ce que tout m'ordonnais de fuir. C'est cette peur-là.
Il y a une semaine, je suis retournée chez mon père, je me promène dans cette forêt à chaque fois si le temps le permet. Quand j'étais marmot, c'était pour faire des "potions", enlacer mes arbres préférés et sauter dans les flaques, maintenant que je suis consciente de ma foi c'est pour chercher des os, des dents, des plumes, des bois de cerfs et des champignons. Saison de chasse oblige, j'ai pris ma chienne en laisse et un gilet fluo. J'ai cherché méticuleusement ce que je cherchais, observant le sol à chaque pas, de peur de tomber sur un piège à renard, ma chienne attachée à un arbre pour qu'elle n'y perde pas une jambe.
Je n'ai rien trouvé, mais j'ai marché longtemps. Les vaches m'ont comme d'habitude fusillées du regard, et j'ai voulu gravir le sentier vers le haut-bois et son ambiance ancienne.
Je me suis figée en entendant un bruit à ma droite, dans le champs de maïs. Un gros bruit. M'étant déjà retrouvée nez à nez avec un sanglier dans du maïs, je fi paralysée. Ma chienne était également en alerte. Mais rien ne se passa, alors je décida de continuer. J'ai n'ai pû faire que trois pas avant d'être retenue. Ma chienne refusait d'avancer. J'avais beau tirer, la rassurer, essayer de l'emmener par le collier, rien n'y fît.
Étant de nature plutôt respectueuse de l'instinct de mes animaux, j'ai préféré rebrousser chemin, au graaand bonheur de ma chienne. Mais quelque chose m'attirait là-bas, plus sombre que d'habitude, ça sentait Samhain qui approche.
Alors j'ai voulu rentrer par un autre chemin, en faisant une sorte de U, me retrouvant de l'autre côté du champ de maïs. Là, je suis arrivée au "carrefour des pendu/au carrefour de la mort/ au carrefour du choix" (j'appelais ça de manière aléatoire quand j'étais ado, j'étais un peu morbide). C'est un arbre au bord du chemin, haut et fin, entouré de pierres blanches. En automne, les corneilles se perchent dessus, et un poteau électrique pas loin fait bourdonner les oreilles. Il m'a toujours paru glauque cet endroit. Et donc, au delà de cet arbre, il y a un grand pré toujours vide de vaches, arrondi comme un petit flanc de vallée.
J'ai hurlé et je me suis enfuie. Je ne sais pas ce que c'était, mais vu le nombre de mouches, ce devait être une grosse charogne, au moins un sanglier, je n'ai jamais su.
J'avais huit ou neuf ans mais je me souviens encore de cette peur qui me poussait à avancer vers ce que tout m'ordonnais de fuir. C'est cette peur-là.
Il y a une semaine, je suis retournée chez mon père, je me promène dans cette forêt à chaque fois si le temps le permet. Quand j'étais marmot, c'était pour faire des "potions", enlacer mes arbres préférés et sauter dans les flaques, maintenant que je suis consciente de ma foi c'est pour chercher des os, des dents, des plumes, des bois de cerfs et des champignons. Saison de chasse oblige, j'ai pris ma chienne en laisse et un gilet fluo. J'ai cherché méticuleusement ce que je cherchais, observant le sol à chaque pas, de peur de tomber sur un piège à renard, ma chienne attachée à un arbre pour qu'elle n'y perde pas une jambe.
Je n'ai rien trouvé, mais j'ai marché longtemps. Les vaches m'ont comme d'habitude fusillées du regard, et j'ai voulu gravir le sentier vers le haut-bois et son ambiance ancienne.
Je me suis figée en entendant un bruit à ma droite, dans le champs de maïs. Un gros bruit. M'étant déjà retrouvée nez à nez avec un sanglier dans du maïs, je fi paralysée. Ma chienne était également en alerte. Mais rien ne se passa, alors je décida de continuer. J'ai n'ai pû faire que trois pas avant d'être retenue. Ma chienne refusait d'avancer. J'avais beau tirer, la rassurer, essayer de l'emmener par le collier, rien n'y fît.
Étant de nature plutôt respectueuse de l'instinct de mes animaux, j'ai préféré rebrousser chemin, au graaand bonheur de ma chienne. Mais quelque chose m'attirait là-bas, plus sombre que d'habitude, ça sentait Samhain qui approche.
Alors j'ai voulu rentrer par un autre chemin, en faisant une sorte de U, me retrouvant de l'autre côté du champ de maïs. Là, je suis arrivée au "carrefour des pendu/au carrefour de la mort/ au carrefour du choix" (j'appelais ça de manière aléatoire quand j'étais ado, j'étais un peu morbide). C'est un arbre au bord du chemin, haut et fin, entouré de pierres blanches. En automne, les corneilles se perchent dessus, et un poteau électrique pas loin fait bourdonner les oreilles. Il m'a toujours paru glauque cet endroit. Et donc, au delà de cet arbre, il y a un grand pré toujours vide de vaches, arrondi comme un petit flanc de vallée.
Si je vous raconte tout ça, c'est parce que j'ai vraiment eu la sensation d'être rejetée de l'endroit. Je n'y suis jamais allé alors que je passe souvent devant, et à ce moment-là, j'ai voulu savoir pourquoi. C'était un bel et mystérieux endroit, j'aurais dû y aller plus tôt. Alors j'ai avancé. Ma chienne a encore refusé. J'ai insisté, longtemps. Elle préférait s'étrangler en reculant que d'avancer par-là. J'ai voulu l'attacher à un piquet, deux pas en avant, rien a faire. Alors j'ai reculé un peu pour l'attacher à la branche d'un arbre, et elle a tendu la laisse à son maximum pour s'assoir, loin du pré. Tout le long, elle m'a suivit des yeux.
J'ai avancé. Mon impression (et celle de ma chienne du coup) se confirmait : à chaque pas, je me sentais vidée un peu plus. Il faisait frais, les couleurs grisâtres malgré les dandelions, et pour couronner le tout, les corbeaux de la forêt au fond du pré se mirent à croasser pendant tout mon chemin.
En gros, j'avais la trouille. Et je ne savais pas de quoi. Tout me criait de partir loin, mais je ne suis pas très prudente et j'étais trop curieuse. Petit à petit, j'ai commencé à percevoir des petites choses. Des petites touches d'émotions. L'endroit me rejetait parce qu'il avait peur de moi. J'étais humaine, et j'étais dans ce qui avait été une grande forêt. Les fermiers du coin on tout abattu et brulé pour faire de nouvelles terres il y a longtemps d'après ce qu'on m'a appris de l'histoire du coin. Ça devait être l'ancien cœur.
J'ai vérifié qu'il y avait personne, je me suis dis qu'au pire, je passerais pour une folle, et j'ai rassuré la forêt à haute voix, petit à petit. Je n'allais pas lui faire de mal, je ne lui en avait jamais fait. Et je suis arrivée au bout, essouflée. Et je me suis souvenu que j'étais déjà venue une fois quand j'étais toute petite. Alors je me suis allongé contre l'arbre le plus avenant, et j'ai essayé de calmer l'endroit. Et par extension, de me calmer moi. Les corbeaux ont arrêté de braillé, et je suis partie sans me retourner.
Ma chienne était ravie de partir et j'ai ordonné à voix autre à l'esprit du lieu de ne pas me suivre (encore un fourmillement dans la nuque), et je suis rentrée.
Tout ça pour dire que je suis toujours une froussarde. Je regarde sous mon lit avant de dormir, je ferme parfois la porte à clef en plein jour, je dors avec une peluche, j'allume toutes les lumières la nuit, je ne regarde toujours pas de film d'horreur, et je ne suis jamais tranquille quand je suis seule.
Mais je n'ai plus peur de la forêt, ni des êtres qui s'amusent à observer les passants dans la vieille ville, ni des vieux arbres du parc qui était autrefois un champ d’exécution, ni des loups qui rôdent parfois vers chez mon père, quand l'hiver est très rude, ni des dieux qui sont sensés être mauvais, ni des tentations masochistes de mon esprit, ni du lâcher prise lors d'une prière, ni des chuchotements amusés de Loki.
Mais j'ai toujours peur des hommes. J'ai bien plus peur en pleine rue que seule dans les bois ou seule avec les dieux.
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Titre tiré de La Malédiction de l'apprenti-épouvanteur, Joseph Delaney.